Un lombrifiltre immergé presque en totalité, inséré dans une installation aquaponique, permet de supprimer la corvée de nettoyage du filtre. Il contribue également à augmenter la quantité de minéraux (notamment le phosphore) disponible pour les plantes.
Brève histoire du lombrifiltre
En 1994, le Dr José Tohá Castellá travaille au Laboratoire de biophysique de la Faculté des sciences physiques et mathématiques de l’Université du Chili. Il met au point un traitement révolutionnaire des déchets en utilisant des vers de compost. En 1997, il contacte le laboratoire de Marcel Bouché, référence en matière de vers de terre, PU 323,324 et 325. Commence ainsi la collaboration entre les deux équipes. Patricio Soto, alors ingénieur INRA, optimise le processus pour le traitement des eaux usées. Il conçoit un prototype de lombrifiltre en 2004 à Combaillaux. L’agriculture s’intéresse également au procédé. Une association lombrifiltre et lagunage à macrophytes permet le traitement des lisiers sur la ferme expérimentale de Guernévez. En 2012, Nobatek centre de ressources de l’écoconstruction à Anglet (64) dépose un brevet pour un « Procédé et dispositif de lombrifiltration pour l’assainissement des eaux usées ».
Le procédé a tout naturellement été étudié en aquaponie. En 2017, Quentin Massiquet, produit un mémoire ingénieur réalisé sur le site aquaponique de la Canourgue « Etude de la lombrifiltration pour la gestion des boues piscicoles intégrée à un système aquaponique recirculé » . Et en février 2022, Eauzons communique sur un dispositif de lombrifiltration de 50 m2 pour la gestion des boues d’un système aquaponique professionnel.
Le lombrifiltre classique
Le lombrifiltre classique est constitué d’une importante couche de plaquettes de bois. Elles reposent sur des couches drainantes de sables et de graviers. Les vers de compost sont introduits dans les plaquettes de bois. Un apport régulier et intermittent de boues en surface conserve le milieu constamment humide en évitant le colmatage. Le dimensionnement du lombrifiltre dépend de la quantité de boues à traiter par jour. Ce type d’équipement permet un abattement de 95 % des boues.
Le lombrifiltre immergé à 95%
Il est possible d’installer un lombrifiltre directement dans le circuit aquaponique et obtenir un « lombrifiltre immergé ». Ceci nécessite d’utiliser un filtre gravitaire à base de filets. Des filets à oiseaux ou filets d’emballage de légumes, installés assez serrés, remplacent les plaquettes de bois. Les vers de compost (Eisenia fetida) prennent place sur ce filet, à raison de 1 kg de vers par m3 de bassin au démarrage. Ils vivent dans le noir, dans une eau fortement aérée , se nourrissent des fèces des truites et s’y reproduisent rapidement. Le filet doit dépasser au dessus de l’ea pour deux raisons: piéger le surnageant et offrir aux vers des conditions idéales pour la reproduction. Un filtre 100% immergé ne permettrait pas aux vers de se reproduire.
Diminution de la corvée de nettoyage du filtre
Un aliment truite à 42% de protéine génère environ 20% de matières en suspension (MES). Le débit d’eau entre bassins et filtre entraîne la totalité des MES qui vont s’accrocher sur les mailles du filet ou se déposer sur le fond du filtre. Le système aquaponique TA 2400 est construit autour de deux bassins de 2400 litres au total. Avec 250 g de nourriture par jour en moyenne, ce sont 36 kg de boues sèches (ou 360 litres de boues à 10% de matière sèche) qui sont produites en deux ans. Or le nettoyage au bout de deux ans a produit environ 70 litres de boues à 10% de matière sèche. La différence correspond à une minéralisation des boues par les vers et les bactéries associées.
Un bilan des minéraux qui reste à établir
La minéralisation de la matière organique ne garantit pas que tous les minéraux se retrouvent sous une forme assimilable par les plantes. Un bilan précis pour les principaux minéraux reste à établir. Je note pour l’instant une augmentation nette de la concentration en phosphore. Mais sans pouvoir quantifier avec certitude les termes du bilan.
Bonjour,
Je reviens sur votre lombrifiltre pour vous signaler cette espèce de ver aquatique tout a fait adaptée qui pourrait cohabiter avec les eseinias, tres bien décrits par l’auteur de ce blog, qui en vend par ailleurs. Tout le blog est une mine d’ailleurs.
https://aquariumnaturel.blogspot.com/2022/02/decouvrir-les-blackworms-promo.html?m=1
Bonjour, merci pour l’information.
Est ce qu il y a des information combien d oxigene un kilo de vers nesessite .je me demande si cette demande suplementaire en oxigene dissous ne va pas nuire aux poissons en cas coupure d electricite prolongee .
Ce serait peu etre plus sur de les elever en dehors de l eau ou il n y pas necessite de dissodre l oxigene et ou l oxigene s y trouve a volonte
On peut vider le fitre a pression dans le lombriculteur de temps en temps lorsquil commence a se remplir .
En cas de coupure prolongée d’électricité, il faut un groupe électrogène! Positionner les vers en dehors de l’eau est possible, mais du coup, il faut nettoyer le filtre régulièrement (tous les deux à trois jours) pour nourrir le cheptel de vers et entretenir l’humidité. C’est ce que fait Félix Haget à Eauzons sur 50 m2 de lombrifiltre. Pour l’oxygène consommé par 1 kg de vers, je ne trouve pas de données.
merci pour ce nouvel article toujours aussi bien documenté et intéressant.
les eisenia peuvent ils survivre et se reproduire en immersion prolongée comme dans le deuxième filtre ?
ce ne serait pas plutôt des tubifex et des vers de vase qu’il faudrait introduire?
Bonjour, les eisenia vivent et se reproduisent en immersion permanente depuis 1 an et demi. ils ont été introduits volontairement. La population de vers s’adapte au volume de nourriture disponible. Il y a également une population de vers de vase qui s’est installée toute seule mais je ne sais pas quelle est sa contribution à la minéralisation des boues. Sans parler des bactéries.
c’est assez surprenant de voir des esenia fetida se reproduire dans l’eau, alors qu’il n’est pas un ver aquatique, mais un épigé. On ne le trouve naturellement jamais dans l’eau (sauf par accident) mais dans des litières humides.
Selon cette étude (https://link.springer.com/article/10.1007/BF00260595), il choisi de pondre dans une humidité relative de 65 à 70 % et le développement des jeunes se trouve très ralenti lorsque les taux d’humidité sont élevés (ou trop faible, mais ce n’est pas le problème ici).
Un filtre utilisant ces vers devrait avoir, me semble-t-il, une partie de son substrat émergé sur laquelle l’eau sale se déverserait pour y déposer les détritus à traiter par les vers. C’est d’ailleurs le principe des bassins de phytoépuration.
Dans le fond immergé, il serait peut être intéressant d’introduire des tubifex, qui sont de vrais vers aquatiques connus pour le rôle dépolluant. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Tubifex)
Merci pour ce commentaire qui pointe probablement un point clé dans la construction d’un lombrifiltre immergé. Le filtre à filet, tel que je l’avais conçu se compose d’un parallélépipède en grillage, rempli de filets assez serrés. La forme occupe toute la section du bac, et dépasse au dessus de l’eau de 5 cm pour capter également le surnageant. La matière organique se répartit donc pour environ 1/3 sur tout la section du filtre et sur le fond pour les 2/3 restants. Par ailleurs, il y a un léger effet marée dans le filtre (environ 3 cm) une fois par demi-heure. Or les cocons sont en très grand nombre au sommet de la barrière de filets. Je vais essayer de déterminer plus précisément la limite en deçà de laquelle on ne trouve plus de cocons. Mais effectivement une partie émergée ou subissant une marée est nécessaire pour la reproduction. En revanche la nutrition se réalise à toute profondeur, y compris au fond, où la masse de vers se déplace au gré des arrivées de fèces (arrêt d’alimentation sur quelques jours par exemple).
Effectivement les cocons sont biens à proximité de la surface dans la zone de fluctuation du niveau d’eau ( environ 3 cm). On ne trouve pas de cocons en dessous. Parler de lombrifiltre immergé est donc erroné. Plutôt de « lombrofiltre immergé à 95% ». J’ai modifié l’article en conséquence.
😉
Merci à Guillaume Beucher d’Aquaponia, pour m’avoir fait découvrir le concept de lombrifiltre et ouvert une voie pour interprêter les observations faites dans le filtre à filet.
Avec grand plaisir et surtout merci à toi pour tes expérimentations diverses très intéressantes! On a encore tellement de sujets à aborder!!! Bonne continuation à toi et à très bientôt !
Hyper interessant
S’il n’y a plus besoin de nettoyage et à prime abord relativement simple et peu coûteux à réaliser
A voir dans le temps long (Plusieurs années) et sur d’autres systèmes. Cela demande aussi à être optimisé et je compte sur les chercheurs pour apporter des réponses et des pistes d’amélioration. C’est un peu pour cela que je fais ce retour d’expérience.
Ajout Mars 2023 :Après deux ans de suivi, cela na supprime pas totalement le nettoyage, mais cela réduit la fréquence (1 fois en deux ans) et le volume de boues à extraire (réduction d’environ 75%).
Article très intéressant.
Merci