J’ai testé la reproduction des truites arc en ciel dans le système aquaponique au plus près de ce qui se passe en rivière. Cet article dresse le bilan de l’expérience conduite entre janvier et avril 2020, en partant des truites d’élevage pour parvenir à de nouvelles truitelles de 4 grammes.
Mis à jour le 07/12/2020
La problématique autour de la reproduction des truites en aquaponie
Les techniques de reproduction de la truite arc en ciel sont issues de la recherche. Ainsi, elles permettent d’atteindre moins de 10% de pertes entre fécondation et éclosion. Ceci est obtenu avec des géniteurs nourris spécifiquement. S’y rajoutent des spécifications sur l’eau de fécondation et l’eau d’incubation, et des pratiques adaptées de désinfection et nettoyage des œufs.
Par pur plaisir, par curiosité et par défi, ça m’intéresse de décrire « un protocole aquaponique » qui s’appuie sur l’absence de géniteurs dédiés (truites de deux ans seulement), et sur l’utilisation de l’eau d’aquaponie pour la fécondation et l’incubation, comme si c’était en rivière. Quel taux de perte peut-on maîtriser dans ce contexte semi-naturel?
Un test de reproduction réalisé début 2020 dans l’installation « truites aquaponiques »
Un test de reproduction a été conduit à partir du 17 janvier 2020. Ce test utilise des œufs et de la laitance prélevés sur des truites issues des bassins d’élevage d’une installation aquaponique. Tout le processus, de la fécondation jusqu’au stade 4 grammes a été conduit avec l’eau du système. Sans aucune modification de la qualité de l’eau. Les connaissances de départ étaient proches de zéro. j’ai suivi les conseils de Valentin Avandetto, aquaponiste, et de Pierre Garsi, enseignant en aquaculture au Lycée professionnel de Guérande. Les publications de thèses, de vidéos et d’articles sur le web ont accompagné une « formation en marchant ». Avec de nombreux ajustements au cours du test, décidés en fonction des observations.
Un taux de perte de 98%, proche de celui observé en rivière.
Le taux de perte global entre le nombre d’œufs fécondés (2600) et le nombre de truitelles obtenues 3 mois plus tard (60) est de 98%. Ce taux est comparable à celui mesuré en rivière. Les pertes concernent surtout les phases d’incubation et de démarrage de la nutrition, et moins celle de résorption vitelline. Ces pertes sont majoritairement dues à des erreurs techniques.
Incubation : reste 6.5% d’œufs donnant naissance à une larve. Les pertes massive sont dues à un non respect de la procédure de fécondation, et à une manipulation excessive des œufs à la lumière du jour. Un strict respect du protocole devrait permettre de faire éclore au moins 40% des œufs. A partir du stade œillé, les pertes sont très faibles.
Résorption : reste 87% de larves évoluant en alevin nageant. Les pertes concernent les larves mal formées à la naissance.
Démarrage nutrition : reste 40% de truitelles. Les pertes sont essentiellement dues à une mauvaise qualité de l’eau pour cause de non nettoyage hebdomadaire et absence de courant d’eau les 10 premiers jours. Erreurs techniques liées à une mauvaise configuration du dispositif d’élevage qui ne permettait pas une surveillance et un nettoyage faciles. Dans des conditions plus adaptées, les pertes ne devraient pas dépasser les 50%.
En résumé pour une ponte de 2000 œufs, issue d’une truite d’un kilogramme, avec 70% de perte sur la phase incubation, 15% sur la phase résorption vitelline et 40% sur la phase démarrage de la nutrition, il subsisterait 300 truitelles de 4 grammes, ce qui est largement suffisant pour un usage personnel. Reste maintenant à mettre au point un protocole qui permettra de minimiser ces taux de perte.
Des truitelles de 110 g 10 mois plus tard, le 20/11/2020
Les truitelles rescapées de la reproduction conduite en janvier-février 2020 ont bien grandi. Elles pèsent en moyenne 110 g au 20/11/2020. Elles ont grandi dans un « panier » de 200 litres. Un système prévu pour la reproduction a été réalisé fin 2020 pour l’élevage des alevins.
Les points clés pour diminuer significativement le taux de perte
Points clés | Test 2020 | Protocole 2021 |
---|---|---|
Des reproducteurs correctement nourris | Pas d’astaxanthine. Des oeufs très clairs | Utiliser des granulés avec astaxanthine |
Des truites femelles matures | Ponte au hasard des abattages | Un abattage tous les 8 jours en janvier. Repérer truite prête à pondre avec oviducte saillant. |
Eviter d’utiliser un mâle stérile | Prise de risque avec un seul mâle utilisé | Prélever le sperme de deux mâles au moins dans récipient sec |
Garantir une ponte au sec | Pas de précaution particulière. Des gouttes d’eau introduites | Sécher la truite avec un linge sec avant stripping |
Eliminer liquide coelomique | Liquide non éliminé | Ponte sur un tamis laissant s’échapper le liquide coelomique |
Rajouter l’eau pour la fécondation | Eau rajoutée en quantité importante | mélanger oeufs et sperme. Rajouter en eau 50% du volume d’œufs . Brasser délicatement |
Laissser du temps pour la fécondation. Laisser durcir les œufs | Oeufs laissés 1 minute au repos après fécondation. Durcissement ignoré | Laisser reposer 45 mn |
Rincer les oeufs | Non réalisé | Verser le surnageant avec les impuretés. Ne pas transvaser les oeufs |
Désinfecter les oeufs | Pas de désinfection post fécondation | Tremper les œufs 10 mn dans solution iodée |
Remuer les oeufs avec précaution | Agités ou étalés avec le doigt | Utiliser une plume pour déplacer les œufs |
Installer les oeufs dans les paniers d’incubation | Trop d’oeufs par panier, sur 2 couches | Des oeufs sur une seule couche, répartis avec une plume |
Après durcissement, au bout d’une heure, ne plus bouger les oeufs | Agitation des œufs, pour changement de panier, et lors du nettoyage des œufs avec une paille. | Ne plus toucher aux oeufs. Enlever les oeufs blancs avec une aiguille. |
Garder les oeufs dans le noir complet | De longue séances de nettoyage avec une paille, à la lumière du jour | Nettoyer rapidement les œufs blancs avec une aiguille, dans la pénombre. |
Enlever les coques vides après naissance | Réalisé avec un tuyau par siphonnage | A réaliser avec un tuyau par siphonnage |
Installer les larves nageantes dans un léger courant et commencer à nourrir | Larves nourries dans les bacs d’incubation, sans courant horizontal | Transférer les larves dans une zone traversée par un léger courant d’eau |
Nettoyer l’auge tous les jours | Deux nettoyages en 12 jours. 40%de pertes d’alevins. Pertes minimisées après instauration d’un courant d’eau et nettoyage journalier | Un nettoyage par jour |
% de pertes | 98% | ? |
Remerciements
Outre Pierre Garsi et Valentin Avandetto déjà cités, je tiens à remercier Adrien Millet, pisciculteur au moulin de Cerzay à Assais les Jumeaux (79) qui a accepté de me fournir de l’aliment de démarrage et des conseils issus de sa propre expérience. Par ailleurs, les truites mâles et femelles proviennent également de sa pisciculture. Sans lui, ce test n’aurait pas pu exister.
Bonjour Jean claude,
Nous sommes le 13/11/2022 et l’Aquaponie n’est toujours pas plus répandu et pourtant si il y a bien une source qui nous permettrait de nous diriger vers auto-alimentation , c’est bien celle-ci en complément avec d’autres. Tout ça pour dire » Merci » pour ce travail qui va permettre de réduire considérablement les pertes du début et un autre grand « Merci » pour ce site avec tant d’informations.
Bien à vous
Harald
Merci pour ce retour.
hello
pourquoi ne pas conjuguer aquaponie et walipini ( serre entérée 2.50 m de profondeur dans le sol… ??
température du sol toujours a 12 ° +/- minima
Bonjour Jean-Claude,
Merci beaucoup d’avoir pris le temps de faire cette article et d’avoir fait cet essai.
Merci pour ton partage;).
Hâte d’apporter ma pierre à l’édifice avec mes farios.
Valentin