L’estimation des échanges thermiques dans une installation aquaponique doit prendre en compte les échanges thermiques avec le sol lorsque les bassins sont enterrés. Or, la dynamique thermique des sols est intimement lié à la dynamique thermique de l’air en contact avec ce sol. D’anciens travaux de recherche, revisités avec les données climatiques récentes, permettent d’appréhender « l’effet sol » pour les systèmes aquaponiques enterrés, selon les caractéristiques du lieu.
Fluctuations périodiques de la température de l’air
Les variations périodiques des flux radiatifs à la surface du sol déterminent des fluctuations de température en profondeur. On admet que la température de l’air à la surface du sol varie de façon sinusoïdale, avec une période T et une amplitude A. Nous allons ignorer les fluctuations avec une période de 24 heures pour nous concentrer sur les fluctuations avec une période de 365 jours.
Observons les données météorologiques mensuelles sur un lieu donné : Avignon.
La représentation graphique de la température moyenne est de forme sinusoïdale. On repère deux valeurs caractéristiques :
– la moyenne : Tm=14.35 [°C]
– l’amplitude : A=(23.6-5.6)/2=9 [°C]
Remarque : A et Tm varient dans le temps avec le réchauffement climatique:
et A et Tm varient dans l’espace :
Ces données météo sont accessibles sur certaines stations météo, via le site https://www.infoclimat.fr/climatologie/
Transferts thermiques dans le sol
Les sols ne sont pas homogènes, ils sont constitués d’éléments d’origine minérale et d’origine organique, mais également d’eau et d’air. Les caractéristiques thermiques des sols (chaleur spécifique,conductivité et diffusivité) dépendent de la nature de leurs constituants, de leur proportion respective et de leur arrangement.
La conductivité thermique des sols varie de 0.27 W m−1 K−1 pour un sol sableux sec des Landes, 0.58 W m−1 K−1 pour un sol sableux humide et 1.28 W m−1 K−1 pour un sol argileux du marais poitevin (60% d’argile) . La conductivité fluctue donc d’un lieu à un autre et selon la saison en fonction des précipitations et des conditions locales.
« La diffusivité thermique est une grandeur physique qui caractérise la capacité d’un matériau à transférer la chaleur (énergie thermique) à travers ce matériau. Elle dépend de la capacité du matériau à conduire la chaleur (conductivité thermique) et de sa capacité à accumuler la chaleur (capacité thermique volumique) » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Diffusivit%C3%A9_thermique). Elle varie de 0.0007 m2/h à 0.0036 m2/h selon le contexte. Pour des sols limono-argileux et pour un pas de temps d’une année, nous retiendrons une valeur moyenne de 0.0023 m2/h
Calculs théoriques de la température du sol à différentes profondeurs
Au fur et à mesure de la diffusion de l’onde thermique vers la profondeur, l’onde est d’une part amortie pour tendre vers la stabilité et d’autre par déphasée. L’équation de la variation de la température dans le sol :
avec
θ(E,t1) : température du sol à la profondeur E et au temps t1
E= profondeur (en mètre)
t1 = heures écoulées depuis le 01 janvier (1er janvier =0; 31 décembre =8766)
θm : température moyenne annuelle de l’air (°C)
A : Amplitude de la variation de la température de l’air (°C)
T : Durée de la période en heures (1 an = 365.25 jours = 8766 h)
α : diffusivité thermique du sol (m2/h)
k: constante pour ajuster le déphasage (= 1)
Cette formule permet, lorsqu’on en connaît les paramètres, de déterminer la température des sols à différentes profondeurs pour chaque mois.
Températures du sol calculées sur le site en Avignon
θ(E,t1) : température du sol à la profondeur E et au temps t1
E= profondeur en mètre ( 0; 0.25; 0.50; 0.75; 1 ; 2; )
θm : 14.35 °C(années 70)
A : 9 °C
T : 8766 h
α : 0.0023 m2/h
k: 1
Moyenne mensuelle des relevés de la température du sol à Avignon-Montfavet
Dans le cadre de ses travaux de recherche à la station de bio-climatologie de l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) d’Avignon-Montfavet, O. De Villèle a procédé à une série de mesures de températures du sol sur une période de cinq ans vers 1965-1970. Les relevés ont été effectués quotidiennement à 8h TU aux profondeurs de 25 cm, 50 cm, 75 cm et 100 cm, sous un sol gazonné et sous un sol nu, dont la texture se situe à la limite des limons argileux et des argiles limoneuses.
Comparaison entre températures calculées et températures mesurées.
Les températures calculées sont assez proches des températures mesurées à différentes profondeurs. On note l’amortissement de la sinusoïde et son déphasage de près d’un mois avec la température de surface, à 1 m de profondeur.
Intérêt en aquaponie de la thermique du sol
Un transfert thermique de l’eau vers le sol se maintient tant que la température du sol est inférieure à celle de l’eau.
Toutefois la hausse des températures de l’air, notamment en 2022 et 2023, va limiter « l’effet sol » en aquaponie. Le même schéma , toujours en Avignon, avec des températures de 2022, illustre ce phénomène. Cette hausse des températures constante pourrait compromettre le refroidissement passif qui permet aujourd’hui de maintenir des salmonidés dans un système enterré type « T’air eau« .
Bonjour Jean-Claude,
Merci pour cette étude et surtout pour le choix d’Avignon puisque c’est le lieu de mon installation aquaponique.
Disposant d’un système enterré à refroidissement passif, je confirme que les températures atteintes l’été ne permettent plus un élevage salmonicole 12 mois sur 12. S’agissant de 2022, la température max atteinte par mon système est de 25.4° (t° supérieure ou égale à 24° sur 27 jours consécutifs du 15/07 au 09/08). A noter que j’avais à l’époque un système à marée qui entraînait un chauffage plus important de l’eau.
En prévision, n’étant pas sur place, je n’avais laissé que 2 truites d’environ 1 kg et j’ai arrêté de les nourrir pendant plus de 45 jours. Elles ont passé l’été…
2023 ayant été moins chaud, grâce à des températures de l’air minimum plus basses et l’abandon du système à marée, l’eau n’est montée que jusqu’à 24° maximum.
Un grand merci pour toutes tes recherches et ta générosité à les partager.
Sans ton site, je n’aurais jamais passé le pas.
Bien cordialement,
Boris R.
Bonjour Boris, merci pour ton retour et pour les données complémentaires très intéressantes.
Bonjour Jean Claude,
Superbe étude très complète qui nous instruit également sur le procédé de « puit canadien » souvent utilisé comme régulateur ou amortisseur de température, sur les sondes géothermiques de surface pour pompe à chaleur, sur l’enfouissement des canalisation, etc…
Les recommandations des ces dispositifs, tout comme les conseils pour les bassins ne sont pas à prendre à la légère. En effet, ce que m’inspirent les résultats de vos études, c’est que parfois il vaut mieux creuser un peu plus (tant qu’à y être…) pour garantir des performances minimales, plutôt que de « se rater » en ne respectant pas la moitié des choses et de dire que le principe n’est pas bon (réaction habituelle au constat de ses propres négligences).
Mrs Goudeau merci pour ce document très intéressant le refroidissement passifs de nos installations. Qui Se trouve peut-être compromis dans ce changement climatique. L altitude ´en zone de montagne 1050 m pour mon cas. , il y a t’il moins d effet, possible de hausse de température dans cette configuration . sol humide sablonneux granitique. , bassin truites dans un sol profondeur 1, 30 Capacité 3,5 mètre cube d eau .. celui étant un bassin de grossissement pour les truites à fumer . Merci pour votre article cordialement r Dupont