La conception de projets d’aquaponie domestique vivrière a démarré en mars 2017 et a produit plusieurs systèmes. Le premier de taille moyenne avec deux bassins de 1200 litres chacun. Le second, plus petit avec un bassin de 500 litres. Le dernier, minuscule, aux fins de pédagogie ou de conservation des vifs pour la pêche, avec un bassin de 70 litres. Ces diverses installations produisent 80 kg de truites et 150 kg de légumes variés par an. Tout en s’inscrivant dans les exigences d’un développement durable. Rétrospective des options aquaponiques testées depuis quatre ans.
Conception des systèmes aquaponiques : les paris gagnants
Des graviers à la place des billes d’argile.
L’objectif est de reconstituer un sol à base de macro éléments. Les billes d’argile sont chères (0.30 € par litres). Les graviers non calcaires sont six à 10 fois moins chers (0.05 € par litre si livré). C’est ce qui se rapproche le plus d’un sol naturel. Par exemple, les terres de groies très superficielles ne sont pas très éloignées de ce type de sol, pH mis à part. Ces graviers accueillent rapidement les populations de bactéries nécessaires, et leur volume permet d’avoir un biofiltre surdimensionné. Leur couleur sombre est un avantage en hiver. Alors qu’en été la couverture végétale évite le réchauffement excessif des graviers.
Légumes installés sur médias.
Pas de DWC, ni de NFT, ni de tours verticales.
Le choix de la truite nécessite une gestion rigoureuse de la thermique. Ce qui élimine d’emblée les NFT et tours verticales. Le désir de produire tous types de légumes donne l’avantage à la culture sur médias au détriment du DWC. Autre approche, liée à une sensibilité sur l’agronomie : créer un système de production multi-trophique sur le modèle du bassin versant. Or le sol est un élément déterminant dans le fonctionnement d’un bassin versant. Le bac de média représente bien le fonctionnement du sol, avec la possibilité d’intégrer les mycorhizes et la microfaune du sol dans la réflexion, ce qui ne serait pas possible avec du DWC.
Un écoulement continu à la place des siphons U ou cloche
Le choix d’un écoulement continu, par le haut par surverse, ou par le bas avec un tuyau à écoulement calibré n’a jamais failli depuis 4 ans. Ce qui n’est pas le cas des siphons à amorçage automatique qui, un jour ou l’autre, dysfonctionnent. Ce qui est tout simplement inenvisageable avec un élevage de truites. Par ailleurs la construction est simplissime.
Deux filtres à filets et à graviers à la place des filtres à pression
La combinaison d’un filtre à filets avec un filtre à graviers permet d’obtenir une eau limpide. Au bout de quelques mois, avec une très bonne aération de l’eau, une partie des fèces minéralise dans le filtre à filets. En conséquence, les opérations de nettoyage s’espacent : une à deux fois par an pour le filtre à filet (30 mn par nettoyage). Environ 1 à deux fois par mois pour le filtre à gravier (1 minute par nettoyage).
Pas de nettoyage du biofiltre
Les graviers du bac de culture font office de biofiltre. Ces graviers n’ont pas été nettoyés depuis 4 ans et rien n’indique qu’il faudra le faire un jour. C’est le résultat d’un équilibre entre production piscicole et production végétale, d’une filtation efficace et de présence de détritivores, dont vers de compost et ver de vase.
Pas de filtre UV
L’absence de filtre UV se traduit par une économie de consommation électrique (80 kWh/an) et un peu moins d’investissement initial. L’absence d’éclairage direct sur l’eau empêche le développement de microalgues. Et l’introduction de nouvelles truites est réalisé avec les précautions sanitaires requises . Les pertes de truites sur un lot sont comprises entre 3 et 6%, bon an, mal an.
Un airlift à la place du bulleur traditionnel
L’oxygénation de l’eau par aération se réalise avec un airlift avec un fort volume d’air. Ce débit d’air provient d’un compresseur à membrane avec 1 à 2 m3 d’air par m3 d’eau. L’airlift permet une bonne homogénéisation de l’eau et une agitation de la surface. Le courant d’eau de surface dans un bassin rectangulaire permet aux truites de nager et de développer de belles nageoires.
Une pompe à air pour remplacer la pompe à eau
En copiant les choix de Sébastien Ladrange à la Réunion, il est possible de simultanément faire circuler l’eau et l’aérer avec une unique pompe à air. L’airlift élévateur constitue la pièce maîtresse.
Un refroidissement par géocooling à la place d’un refroidisseur
Le refroidissement par géocooling permet de contrôler les canicules sévères. Le fonctionnement ne dépasse pas 100 heures par an avec un maintien de l’eau en dessous de 22°C. L’eau de la nappe est à 15°C en été pour 13°C en hiver. Ce qui permet le cas échéant de réchauffer les bassins en cas d’hiver rigoureux, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent.
Les bacs de culture sous serre à la place des châssis hivernaux ou du plein air intégral
Intégrer une serre dans un projet aquaponique est très souvent critiqué lorsque l’on projette d’élever des truites. Pourtant la maîtrise de la chaleur en été est possible avec de très grands ouvrants en partie basse et en partie haute, des ouvertures automatiques, une orientation nord-sud et un ombrage avec blanc d’Espagne ou autres moyens. Ainsi il est possible de profiter des avantages sur le réchauffement de l’eau en hiver et l’allongement des périodes de production végétale à l’automne et au printemps. En revanche, les bassins d’élevage, les filtres et autre bassin tampon sont placés en extérieur, enterrés et isolés sur le dessus.
Une reproduction des truites arc en ciel dans le système aquaponique
La conception générale du système aquaponique copie le fonctionnement d’un sol sur un bassin versant d’une rivière. Ce biomimétisme doit permettre de réaliser toutes les phases d’élevage, y compris la reproduction des truites directement dans le système. C’est possible, sous réserve de respecter le protocole de reproduction à la lettre.
Les paris perdus
Graviers blancs en surface du bac de culture
L’ajout d’une petite couche de graviers blancs était sensé augmenter l’albédo des graviers sombres du bac de culture. Or les graviers se sont vite salis. Par ailleurs ils se sont mélangés aux autres graviers au hasard des arrachages et plantations. Et le tri s’est avéré beaucoup plus fastidieux que prévu. Et pour finir, ces cailloux blancs étaient en marbre, donc relarguant du calcium. Test non poursuivi.
Capteurs de vibration sur pompe à air
La surveillance du système par capteurs pilotés par Arduino permet de recevoir des alertes par SMS, puis appel sur téléphone portable. Les sondes de température et de débit fonctionnement parfaitement. En revanche le choix des capteurs de vibration pour surveiller les pompes à air n’a pas tenu plus de trois mois. Ces composants ne sont pas prévus pour vibrer en continu.
Pompe vide cave
Le choix initial de la pompe s’est porté sur un vide cave peu cher. Mais avec un coût de fonctionnement très élevé (250 watts). Très mauvais choix, surtout avec une préoccupation « développement durable ». Remplacé par une pompe aussi performante en terme de débit, mais avec une puissance de 30 watts et fonctionnant à mi-temps.
Circuit de refroidissement fermé
J’ai testé le refroidissement en faisant circuler de l’eau dans un circuit fermé avec un serpentin immergé dans le puits et un autre immergé dans les bassins. Comme le débit circulant de la nappe est très faible, la température de l’eau du puits s’équilibrait rapidement avec celle des bassins. Conception abandonnée pour passer à du géocooling avec deux puits distants de 20 mètres.
Filtre en bout d’airlift
Un filtre installé en bout d’airlift collecte les impuretés de l’eau. Mais il se colmate très vite et nécessite un nettoyage par jour. D’autre part il réduit considérablement la contribution de l’airlift à la saturation en oxygène de l’eau. Solution abandonnée.
Évaluation de nouvelles pistes dans la conception des systèmes aquaponiques
Un refroidissement de l’eau par froid radiatif passif
Un refroidissement des bassins sans consommation d’énergie, permettrait d’envisager la truite partout dans les installations domestiques, dans une véritable démarche de développement durable. L’utilisation du froid radiatif passif est une piste en cours de validation pour la conception de systèmes résilients.
Des légumes sur couvert végétal vivant
En agriculture, la culture de maïs, de colza ou de la vigne sur couvert végétal vivant permet une protection du sol contre l’érosion, une lutte biologique contre les adventices et une amélioration de la vie biologique du sol. En aquaponie, l’idée est d’installer un couvert végétal permanent sur les graviers, entre les plants de légumes. Pour diminuer le réchauffement des graviers en été lors des périodes caniculaires et éviter le développement d’algues sur les graviers. Le végétal retenu comme candidat pour cette mission est une mousse. Verrons nous des effets indésirables? Y aura-t-il un gain thermique ? L’avenir dira s’il faut ranger ce test dans la catégorie des paris perdus ou dans celle des succès pour une conception aquaponique efficace.
La production d’un « aliment truite » sur place
Ce projet s’avère beaucoup plus compliqué que prévu. L’élevage de vers de farine est opérationnel. Mais il produit peu de vers (70 grammes par jour pour un objectif de 300). Avec beaucoup de travail et en mobilisant peu de déchets, essentiellement le pain dur inutilisé. La mouche soldat noir écartée en première approche serait peut-être un meilleur candidat. Combien même la quantité serait au rendez-vous, il restera à modifier le profil des acides gras. Puis maîtriser la production de microalgues riches en EPA et DHA.
Bonjour,
1/ Je souhaiterai connaitre combien de truites faut il pour un bassin de 950 litres (les truites seront prélevées à 300 gr environ au bout de 8/9 mois)
2/ Je souhaiterai connaitre le nombre de nettoyage pour le filtre « à filet » sur cette période… (et du bassin à truites dépôt de boues dans les angles)
3/ Je souhaiterai connaitre le nombre de nettoyages pour le filtre à sable sur cette période…
Bravo encore une fois pour votre démonstration pédagogique !!!!!!
Bonjour,
Le chargement en truites dépend de trois situations ou options:
– si c’est la première utilisation, avec un biobiltre juste cyclé, il est préférable de monter progressivement en puissance et de commencer avec des truitelles d’au moins 100 g, plus résistantes. Pour 950 litres, commencer au plus avec 4 kg de chargement au m3, soit 40 truites de 100 g
– Le chargement final est également à prendre en compte selon la performance épuratrice et la qualité de l’aération 15 kg/m3 : 50 truites de 300 g 20 kg/m3 : 66 truites de 100 g
– le mode de prélèvement va également jouer sur le nombre de truites à introduire. En effet la croissance n’est pas identique entre les truites et il est fréquent de constater un écart de 1 à deux. Ainsi lorsque les premières truites atteignent 300 g les plus petites sont encore à 150 g.
– Enfin il faut également prendre en compte un taux de perte souvent voisin de 5%
Donc il n’y a pas de réponse unique à votre question. Pour ma part j’opterai pour 30 truites de 100 g si le système est jeune et 60 truites de 70 g si le système est à l’équilibre. Puis ajuster au fil des ans en fonction de votre expérience.
Le filtre à filet va s’encrasser plus vite au démarrage du système. Compter au maximum un nettoyage par trimestre, puis avec le temps, cela devrait se raréfier pour passer à 1 ou 2 par an. Compte tenu du chargement, il ne devrait pas y avoir de dépôt dans les angles, les truites se chargeant du « balayage » avec leurs nageoires et déplacements. Je ne nettoie jamais mes bassins. Excepté un brossage au changement de lot une fois par an, pour enlever quelques algues.
Le nettoyage du filtre à gravier est difficile à prévoir. Cela dépend de la taille des graviers. Plus ils tendent vers la granulométrie du sable et plus la filtration est bonne, mais plus le colmatage est rapide, en deux ou trois jours. Avec du gravier dans une granulométrie 4-8 mm, le nettoyage ne devrait pas excéder une fois par semaine. Et c’est très rapide : vider le seau avec son eau dans une bassine, brasser. Vider l’eau sale. Éventuellement rincer. Remettre le gravier dans le seau et replacer l filtre. Puis cela se stabilise avec des nettoyages beaucoup moins fréquents. Cela fait plus d’un mois que je n’ai pas nettoyé celui du 2400 litres avec 200 g de nourriture distribué par jour.